Contre la stagnation de la culture

 

 

Dans ses œuvres exposées à la Galerie Ghaya, Selim Ben Cheikh veut nous interpeller sur deux questions, le camouflage, qui ne permet pas de comprendre, de décoder le message et l’urgence de remettre la culture en chantier, de mettre fin à la stagnation de la culture.

L’artiste nous propose des arabesques dans une composition devenue difficile à décrypter, dont le sens ne nous est pas directement accessible. Il nous provoque par ce camouflage de l’arabesque parce qu’elle a été rabaissée au fil des siècles au statut d’un produit sans cesse dupliqué, tombé dans la catégorie de l’objet banal. Un objet devenu banal, représentant des formes géométriques, reproduites à l’infini, qui, plutôt que de susciter notre émotion ou une recherche de sens, ne génère que notre indifférence, voire même notre ennui. L’arabesque est camouflée parce que trop dénaturée dans les décors qui peuplent notre quotidien, significatifs d’une culture qui se dégrade, qui se dessèche et qui n’a plus de souvenir de ce qui inspira cette magnifique éclosion de signes étincelants d’intelligence.

Il y a alors urgence à nous sortir de l’ennui et à nous faire réfléchir sur notre héritage culturel. Selim Ben Cheikh nous provoque dans la suite de son travail en exploitant les bandes de signalisation, des bandes jaunes et noires, des bandes rouges et blanches. Elles dessinent des arabesques bien visibles comme la signalisation d’un chantier, d’une œuvre en cours, mais aussi du danger potentiel. Il y a urgence : il faut remettre la culture en chantier. L’artiste nous met ainsi en garde contre la stagnation de la culture, contre le piège de l’enfermement et du refus -ou de l’incapacité- de renouvellement. Une stagnation décrite, il y a plus d’un demi-siècle, par l’historien  égypto-libanais Bishr Farès qui rappelait que, « toute manière s’opposant à un renouvellement du dedans, se fatigue tôt ou tard et se fige, … et, qu’une abstraction poussée, maniée par une pensée volontairement obsédée, s’accommodant petit à petit de l’aridité environnante, celle d’une culture qui se dégrade, mène nécessairement à l’étiolement », avec le risque que le tempérament artiste se laisse « succomber sous l’étouffoir d’un rigorisme acharné ».

 

Faouzia Charfi